Sur la rive gauche du torrent, près de l’entrée amont de la caverne, se trouve un gouffre profond, bien connu des gens du pays : c’est la « Gourgo Régino » ou « Gouffre de la Reine ».
La légende va nous expliquer cette appellation.
« Il était une fois un roi de la contée qui avait une fille d’une rare beauté et qui s’appelait AIMIGO, c’est-à-dire AIME .
La reine, sa mère étant morte jeune, la jolie princesse l’avait remplacée auprès du roi qui lui octroya une partie de sa puissance dès qu’elle eut atteint un certain âge ; aussi tous les sujets de son père ne l’appelaient plus que la reine. Quand elle eut ses 15 ans, Aimigo fut fiancée à un prince étranger, demeurant par-delà les Pyrénées, dans l’Ibérie ensoleillée.
Lorsque ce prince, qu’on disait également très beau, s’achemina vers le pays de sa fiancée, celle-ci, dans son impatiente curiosité, résolut d’aller au devant de lui afin de connaître plus vite celui qui allait devenir son maître et seigneur, les coutumes de l’époque autorisant pareille démarche. Elle se mit en route, escortée de quelques chevaliers et de quelques pages. Ces derniers étaient munis de torches, car on devait s’engager dans la grotte pour aller retrouver, de l’autre côté de la colline, le cortège du prince charmant.
Mais lorsque Aimigo et son escorte furent arrivés au milieu de la grotte, une impétueuse bourrasque s’engouffra dans la galerie souterraine par le porche nord, et sa violence fut telle qu’elle éteignit toutes les torches, laissant tout le monde dans une obscurité complète.
Pendant que son escorte avançait à tâtons pour se rapprocher de la lumière vers le porche sud, la reine, affolée par cette soudaine obscurité, s’éloigna de quelques pas du sentier accoutumé, et elle glissa dans le gouffre qui s’ouvrait au bord du torrent. Son corps s’enfonça dans l’eau froide et on ne le revit plus.
Et c’est depuis ce temps-là que ce gouffre s’appelle « Gourgo Régino ».
Mais, selon la croyance populaire, le pâle visage de la princesse remonte parfois à la surface de l’eau, dans l’écume que provoquent ses remous. Et l’apercevoir alors est, dit-on, un présage de bonheur pour les jeunes mariés.
Depuis ce drame lointain, les fiancées du pays viennent, la veille de leur mariage, consulter la « Gourgo Régino » en se penchant un long moment sur les eaux du gouffre. Si elles ont le bonheur d’apercevoir, dans l’onde vaporeuse, une blanche figure de femme aux prunelles bleues, telles deux fleurs de lin épanouies dans un champ de neige, c’est que la princesse Aimigo a bien voulu remonter un instant du fond de son humide tombe et leur annoncer que leur mariage sera béni et que l’amour, comme un astre bienfaisant, éclairera leur vie entière.
Puis, lorsque la blanche apparition disparaît, après avoir apporté cet heureux présage, les fiancées plongent dans l’eau du gouffre une grande cruche en grès qu’elles remplissent, et elles reprennent le chemin de leur demeure, la cruche sur l’épaule, telles les antiques porteuses d’amphores. Avec cette eau elles aspergent chambre nuptiale, pour conjurer les mauvais esprits. Et leur bonheur conjugal sera alors parfait. »